Les vices opposés à la Charité suite 2/7
c) La Jalousie.
On l'identifie parfois avec l'envie. Elle est pourtant d'inspiration différente et surtout plus grave, parce que plus opposée à la Charité envers le prochain. L'envieux désire pour soi les biens qu'il voit aux mains des autres. Et ce désir n'est pas toujours répréhensible; maintes fois au contraire il est légitime, louable même.
Pourquoi interdire, par exemple, dans le domaine matériel, à un homme misérable de chercher à améliorer sonsort, à élever son « standard de vie », comme on dit aujourd'hui, d'ambitionner la condition de tel ou tel qu'il estime plus heureux ? La faute ne surviendrait qu'en cas de cupidité excessive, et surtout par suite de l'emploi de moyens malhonnêtes.
Et dans l'ordre spirituel, l'envie est souvent recommandée comme le meilleur stimulant. La vertu supérieure d'une personne, sa perfection relative, fait d'elle un exemplaire concret qui mérite l'admiration sans doute, mais qui doit au surplus donner envie de lui ressembler. Il serait déplacé seulement d'aspirer aux privilèges particuliers de certains Saints; la mesure commune de la libéralité divine est assez large déjà pour que chacun s'en contente, sans faire reproche à Dieu des faveurs exceptionnelles qu'Il réserve aux êtres de Sa prédilection.
Quant à la jalousie, elle est essentiellement une tristesse; et, ce qui en fait l'anomalie, une tristesse provoquée par un bien, par la supériorité ou le bonheur d'autrui.
Se comparant à d'autres hommes qu'il juge mieux partagés matériellement ou intellectuellement : « Pourquoi eux plutôt que moi? », dit le jaloux avec une sombre rancœur. Ce qu'il envie, c'est moins de s'élever lui-même que de rabaisser les autres à son propre niveau. Et s'il ne peut y parvenir, il tente du moins de les avilir par ses dénigrements, et ne manque pas une occasion de leur cracher son mépris. Qu'un malheur survienne, un revers de fortune, la jalousie y applaudit comme à un juste châtiment.
Autant pour Je moins que l'avidité d'un plus grand bien-être, cette basse jalousie est à l'origine de tous les remous qui secouent périodiquement les masses populaires.
Mais ce n'est là encore que sa forme la plus bénigne: beaucoup plus méchante est celle qui prend ombrage de la vertu. Voici un homme corrompu, vicieux, qui, humilié de son état ne peut supporter son voisin dont la droiture et la dignité lui paraissent de vivants reproches. Plutôt que de voir là un modèle et une leçon salutaires, il n'y trouve qu'une condamnation de sa lâcheté: et cette seule présence le fait enrager. Que ne peut-il supprimer ce gêneur? S'il pouvait du moins le salir, arriver à démontrer que cette vertu n'est que façade et hypocrisie, ravaler dans l'opinion publique celui dont la conduite exemplaire a forcé l'estime?
Il n'est pas alors de perfidie à laquelle la jalousie exaspérée ne puisse se livrer. C'est un déferlement de critiques, de soupçons, d'insinuations malveillantes, de médisances, de calomnies. La moindre faiblesse sera exploitée, montée en épingle, avec un parti pris féroce de piétiner cette réputation si on ne peut l'anéantir.
Comme la jalousie justifie et illustre son triste titre de « péché capital »! A Suivre