A la Miséricorde-de Dieu.
Prière( L.Lessius SJ –Les Noms divins)
« Je chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur, Ses miséricordes, grandes, prodigieuses, anciennes et nouvelles, dont le nombre est sans fin; car la terre est remplie de la miséricorde du Seigneur, et les témoignages de Ses miséricordes sont au-dessus de toutes ses œuvres »(Ps 88 et 32)
O Seigneur, mon Dieu, mon Créateur, Votre main nous a d'abord pris dans les ténèbres du néant et nous a transférés à la lumière de l'être, nous donnant l'espèce et la nature, mais une nature très noble, immortelle, qui porte sur le front le sceau de Votre Face, et qui est ornée de Vos dons les plus magnifiques; vous nous avez ainsi traités afin que nous fussions capables d'avoir quelque connaissance et quelque sentiment de Votre Divinité et de Vos biens. Vous nous avez doués.de la vigueur des sens, et, par eux, du privilège de comprendre et de discerner tout ce monde corporel, et tout cet ensemble de créatures dans lesquelles resplendissent si admirablement les vestiges de Votre Puissance, de Votre Sagesse et de Votre Beauté. Vous nous avez ornés d'un entendement et du jugement de la raison pour connaître la vérité, pour discerner le bien et le mal, pour monter et nous élever des choses sensibles aux choses intellectuelles. Vous nous avez donné la mémoire pour, nous souvenir des choses passées, afin que ce qui est une fois perçu ne s'échappât point de notre esprit, et qu'il ne fût pas toujours nécessaire de travailler de nouveau pour le comprendre. Vous nous avez armés de la volonté, pour fuir le mal et faire le bien, pour jouir de notre fin dès que nous l'aurons obtenue, et surtout pour Vous être unis par l'amour et pour Vous demeurer éternellement attachés par la Jouissance de Vous-même qui êtes
notre souverain Bien. J'omets les ornements du corps.
Des profondeurs du néant, voilà jusqu'où Vous nous avez d'abord fait monter, voilà les premiers bienfaits de Votre miséricorde; ils sont grands, inestimables, et cependant ils ne sont que des essais et comme des ébauches de bienfaits plus grands encore. Votre très libérale bénignité (mot ancien, contraire de la malignité , exprime cette propension du Bien à se communiquer et à enrichir de ses dons les plus pauvres) ne s'est point arrêtée là : elle est allée plus loin, pour perfectionner son ouvrage et exterminer en nous tout ce qui est imparfait. Elle a donc ajouté une seconde grandeur, nous élevant à un second degré beaucoup plus éminent que le premier, car elle nous a élevés de l'état de nature à l'état de grâce et d'enfants de Dieu, qui est incomparablement plus relevé que tout état de nature, quelque parfait et sublime qu'il soit. Et la raison, c'est qu'un pareil état ne peut être ni un apanage de nature pour aucun être créé, si parfait qu'il soit, ni être dû à aucune dignité naturelle si haute qu'on la suppose. Car aucun être créé ne peut être par sa nature fils de Dieu, héritier de Son Royaume possesseur du Saint-Esprit. Un si grand apanage nous a été accordé par l'effusion de Votre seconde miséricorde. Dans ce degré, nous avons été faits participants de Vos secrets, nous avons connu des mystères cachés en Vous de toute éternité; attachés à Vous par une foi, une espérance, une charité surnaturelles, nous sommes devenus supérieurs à toutes les choses créées. Parmi les humains, c'est une sorte de dignité souveraine que d'être fils de roi; ce titre attire à un homme, fût-il d'ailleurs d'un mérite peu élevé, l'honneur, le respect, et tout le monde le proclame heureux. Mais de combien l'emporte la dignité de fils de Dieu, d'héritier du`royaume céleste! Dans tout l'univers, cet état est celui de la dignité suprême: il rend l'homme vénérable aux anges mêmes, et s'ils n'étaient de leur côté élevés à la même dignité, ils pourraient à juste titre lui envier un tel comble d'honneur. Pour cette raison, « un seul juste, un seul homme craignant Dieu est meilleur et est plus estimé de Dieu que mille impies » (Eccl.XVI). Quiconque n'aura pas en lui cette dignité d'enfant de Dieu sera compté pour rien, quoiqu'il soit comblé d'ailleurs de tous les dons et de toutes les faveurs de la nature....A suivre