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14 juillet 2009 2 14 /07 /juillet /2009 12:45

             La philosophie de Saint Thomas d’Aquin

                             en sept leçons.

 

         Vous trouverez ici un résumé très condensé de l’enseignement de Paul Grenet,(1912-1973) un des plus brillants métaphysiciens du siècle dernier. Il le destinait à rendre le Thomisme  plus accessible à un public non philosophe. C’est un cadre pédagogique qui doit être complété par les textes et des explications orales ou écrites.

        C’est une prouesse de mettre ainsi en quelques pages les trésors de la philosophie chrétienne, à la disposition de toutes les âmes de bonne volonté. Les formules très condensées sont des merveilles de précision qui nourrissent la contemplation et la jubilation spirituelle.

           Nous sommes heureux de publier ce court fascicule en ce siècle de famine spirituelle. Le Père Grenet était véritablement un père nourricier et son œuvre ontologique est appelée à former encore beaucoup d’esprits. Il aurait beaucoup aimé les progrès de la science actuelle qui  rejoignent par bien des points, sans le savoir et/ou sans le vouloir, les intuitions et les conclusions de Saint Thomas.

           Il faut le lire comme une «  méthode Assimil »écrivait ce professeur admirable de patience, authentique « ami de la sagesse ».C’est par immersion, par imprégnation que la doctrine se fait saisir et apprécier. Il faut donc lire, creuser, revenir en arrière, consolider pour progresser « comme un mineur »

         Il faut « ruminer », méditer, assimiler pour réaliser « la vocation de l’esprit qui est de se connaître et de suivre les voies de la Sagesse »

                                      

                                    Plan et pages

 

Leçon  I – De l’intelligence à l’être Page 1

Leçon 2 - De l’être à Dieu              Page 4

Leçon 3 - De Dieu à la matière      Page7

Leçon 4 – De la matière à l’esprit  Page10

Leçon 5 -  De l’esprit à l’amour      Page 13

Leçon 6 – De l’amour au Bien Page 15

Leçon 7 -  Du Bien au biens    Page 17

En guise de conclusion            Page 18

 

    Leçon 1 - De l’intelligence à l’être

 

       Dans ce chapitre très dense, Paul Grenet nous met de plein pied avec ce qu’il appelait le « choc de l’existence » expérience personnelle et primordiale. Nous renvoyons à son admirable « Ontologie, analyse spectrale de la réalité », pour l’abord approfondi du mystère de l’être. »(éditions Beauchesne)

Le thomisme part des faits. C’est une doctrine du concret, faite pour l’action. « Le philosophe thomiste est un homme pour qui les objets extérieurs existent »

 

        I- L’homme devant le Tout

 

a) Je suis en communication avec toutes les choses : car elles existent  et j’existe avec elles, en elles,  par elles. Il ya de l’être ; je suis dans l’être.

         Penser, c’est faire acte de présence d’esprit à l’être ; c’est me mettre en présence de l’être.

        Donc, c’est - en principe- me mettre en présence de TOUT ETRE.

Notez bien que notre point de départ n’est pas « Je pense, donc je suis »mais je pense l’être, donc je pense tout, ,mais, comme je ne suis pas tout l’être, donc je ne suis qu’une partie du Tout de l’être.

b) Je suis en communication avec tous les esprits :car tous les esprits, comme le mien, pensent, c’est-à-dire se mettent en présence du Tout de l’être (Cas des Anges qui pensent et des … « martiens »… s’ils pensent !)

 

 Bref, la condition nécessaire et suffisante pour qu’un objet soit pensable, c’est qu’il soit de l’être = au moins, qu’il puisse exister).

 

II- Sagesse et philosophie

 

La philosophie, ce n’est qu’un exercice préparatoire à la Sagesse

 

La Sagesse, ce serait la vie en présence du Tout ; donc l’habitude de juger toujours par référence au Tout.

 

Notez bien que, selon le Christianisme, la suprême Sagesse, c’est la vie en présence de Celui-là qui est la Cause et le Bien du Tout, grâce à Celui-là qui vit en nous et nous fait vivre en Lui. La philosophie chrétienne est l’exercice préparatoire à cette Sagesse-là.

 

 

III –La méthode de la philosophie

 

Aller jusqu’à l’Absolu, malgré le Mystère, par l’Analogie.

 

a)-L’Absolu, c’est ce qui n’est pas relatif. Ce qui n’est pas relatif à la structure de notre esprit, ni relatif aux limites de notre expérience. La notion d’être est une notion absolue.

 

b)-  Le Mystère, c’est l’être tel qu’il est en lui-même, hors des limites de notre expérience. Car nous connaissons tout l’être : mais nous n’avons pas l’expérience directe de tous les êtres. Nous n’avons l’expérience directe que d’un tout petit nombre d’êtres :ceux qui tombent sous nos sens.

 

c)-L’Analogie, c’est la méthode qui nous permet de voir l’être, même en dehors des limites de notre expérience : les êtres infiniment grands ou infiniment petits, les esprits purs, anges, âmes ,Dieu.

 

Principes de la méthode : Tous les êtres se ressemblent en tant qu’ils sont de l’être. Ils sont un certain rapport à l’existence propre qui leur revient. Donc , si j’arrive à en penser un en tant qu’être, je pense du même coup tous les autres en tant qu’êtres. Pour cela, il suffit de penser le rapport d’un être à son existence ; en effet, il suffit de penser le rapport d’un être à son existence ; en effet, le rapport d’un être avec SON existence est semblable au rapport de tous les êtres avec LEUR existence.

 

        existence de A/A = existence de B/B= similitudes de rapports.

 Notez bien qu’il s’agit d’une similitude de représentation par analogie, non de raisonnement.

 

                                               Texte

 

« Une puissance est d’autant plus élevée que l’objet qui la concerne est plus universel.

Or, un objet d’opération vitale peut se situer à trois plans :

 

Plan inférieur : une puissance vitale qui n’a d’autre objet que le corps propre du vivant.(C’est le cas de la vie végétative).

 

Plan moyen : la puissance vitale a pour objet une réalité plus universelle : tout corps sensible (C’est la cas de la vie animale)

 

Plan supérieur : un troisième genre de puissance vitale vise un objet encore plus universel, à savoir, de manière absolument universelle tout être. (Cas de la vie intellectuelle) »

 

Saint Thomas (Somme théologique - I a, Q.78,art.1)

 

 

 

 

 

                                             Leçon  2

 

 

Rappel:

 Nous voici en présence de l’être, en présence du Tout. Tout ce qui existe ou peut exister est rapport à l’existence.

L’existence est donc la qualité, ou la valeur suprême. Bien que nous y prenions garde très rarement, l’existence est ce qu’il y a de plus important, de plus concret, de plus réel en tout.

 

I- Le Tout de l’être existe par lui seul = par lui-même.

 

N.B : Ici, nous sommes d’accord avec le marxiste. Il n’est pas besoin d’aller chercher  en dehors du réel je ne sais quel être imaginaire, pour faire exister le réel…

 

Evidence de départ - Il  n’y a pas à se demander comment le Tout de l’être existe ; il existe parce que c’est le propre de l’être est d’exister, parce qu’il est nécessaire que l’être existe ;(est dit nécessaire ce qui ne peut pas ne pas être) ; en d’autres termes, il y a dans le Tout de l’être le principe suffisant de l’existence. (Jusqu’ici, d’accord avec panthéistes et matérialistes)

 

Première réflexion.- Manifestement, le Principe suffisant de l’existence n’est point une simple capacité d’être, car  alors il n’existerait qu’une fois sa capacité comblée, donc sous l’influence d’un autre ; et ce serait cet autre qui serait le Principe suffisant. Bref, ce qui, de soi, ne fait que pouvoir exister, ne saurait suffire à exister. Il ne suffit pas de pouvoir être, pour être.

Par conséquent, le Principe suffisant de l’existence ne peut être que l’EXISTENCE-Même.

 

Deuxième réflexion.- L’EXISTENCE-Même échappe à notre expérience : car ce dont nous avons l’expérience n’est que capable d’être (tout commence, tout vieillit, tout finit, tout dépend du reste = rien n’existe par soi seul.)D’ailleurs, si tout ce dont nous avons l’expérience s’identifiait avec l’EXISTENCE-Même, tous les êtres s’identifieraient entre eux.

 

 

 

 

Conclusion

 

A l’intérieur du Tout de l’être, il y a deux zones : une zone donnée à notre expérience, ou tout a l’existence ; et une zone mystérieuse, non donnée à notre expérience, où se trouve cela ou Celui qui est l’existence.

 

                                      II. Fini et infini

 

Sans aucune allusion au sens mathématique de ces mots, il faut entendre

 au sens grec :

 Fini = achevé, précis, terminé donc parfait.

Infini= pas achevé, imprécis, vague , imparfait.

Au sens chrétien :

 fini = limité, à quoi manque quelque chose, lacunaire.

Infini = illimité, complet , total, absolu.

         L’EXISTENCE-Même est évidemment infinie au sens chrétien. Il ne lui manque rien de ce qu’il faut pour être ; les êtres de notre expérience n’ont qu’une existence finie, à la mesure de ce qu’ils sont.

 

                     III- Aliénation ou analogie ?

 

          Le marxiste pense que la misère sociale pousse l’homme à imaginer une idole qu’il pare de toutes les qualités humaines qui lui font défaut.

          Le Thomiste répond que la misère ontologique montre à l’homme que la qualité « existence » n’est pure, parfaite et absolue qu’au-delà de notre univers.

 

                                               Texte

« Tous  les êtres donnés  à notre expérience ont un exister reçu (par ce qui peut exister) et participé (par ce qui peut prendre part à l’existence) ; et c’est pourquoi ils n’ont pas l’exister à la mesure de la force totale de l’exister.

Au contraire, Dieu, parce qu’Il est l’Exister-même à l’état pur, existant en soi, possède l’exister à la mesure de la force totale de l’exister. » (Commentaire sur les noms Divins, ch. V, leçon1)

 

 

 

 

                                       Leçon 3

 

Rappel : Nous sommes en présence de la totalité de l’existence(L1) ; la  Totalité de l’existence inclut le principe suffisant de l’existence, qui ne peut être que l’Existence-même (L 2).Jusqu’ici, accord avec le Panthéisme et même le Matérialisme.

            Mais ici se présente une objection : L’existence-même, principe suffisant de l’existence, ne serait-il pas la Matière ?Il nous faut montrer qu’au contraire le Principe suffisant de l’existence est aux antipodes de la matière, qu’il est transcendant à la matière.

 

                 I - Vraie notion de la matière

 

A.- Tout le monde a une notion spontanée de la matière, surtout les artisans, les ouvriers, qui la travaillent. La matière, selon le Larousse, est : « Ce dont une chose est faite et qui est susceptible de toutes sortes de formes. »La matière, c’est » de quoi faire.

 

B- Les savants modernes changent le sens : pour eux, la matière, c’est une masse répartie en corpuscules (NB-Texte de 1955)

C-  Le philosophe reprend la notion spontanée, mais à un niveau plus profond, celui de l’existence.

En effet, il ya des faits d’évidence immédiate,  beaucoup plus certains que les faits scientifiques : il ya des corps qui commencent d’exister  et d’autres qui cessent d’exister; or, on constate que quand un individu (corps ou corpuscule) cesse d’exister, un ou plusieurs individus commencent d’exister à partir de ses restes. Et réciproquement.

 

Cas privilégié – Mon corps existe à partir d’anciens corps ou corpuscules, qui ont perdu toute existence individuelle et indépendante pour acquérir MON existence. Car une même chose ne peut avoir deux existences : la mienne et la sienne. Nul ne peut exister deux fois.

Cas similaires- Organismes vivants et même ces micro-organismes non vivants que sont les atomes de la chimie moderne.

 

 Notion philosophique de matière.

Elle est bien un principe de l’existence, mais commun à tout ce qui existe comme corps ou corpuscule, et permanent sous les formes de corps ou corpuscules  ; donc commun à et permanent sous toutes les existences ; donc tout sauf un corps ou un corpuscule. Un corpuscule si petit soit-il, n’est pas plus matière qu’un corps ;c’est déjà un corps formé)

 

Définition.-Matière= principe déterminable

1) commun à tous les corps ou corpuscules.

2) permanent sous toutes les transformations des corps ou corpuscules

3) qui donc n’a de soi aucune forme, mais peut les recevoir toutes.

4) et qui, donc, n’est, de soi, que puissance d’être.

 

 

        II. -Conséquence : La matière n’est pas l’existence-même.

 

 A- Puissance DE QUOI : les faits de changements soit superficiels, ceux dont l’artisan est l’auteur, soit profonds, ceux dont la nature est l’auteur, montrent, en tout un principe capable d’exister, qui offre à l’artisan ou à la nature DE QUOI FAIRE : puissance passive.

 

B- Puissance PAR QUOI : L’Existence-même au contraire, principe suffisant de l’existence du Tout, n’est aucunement ce de quoi le tout est constitué, mais exclusivement ce par quoi le Tout est posé dans l’être : puissance active.

 

    III- Rejet de la thèse marxiste.

 

 Selon le marxisme, la matière est dialectique, c’est-à-dire à la fois activité et passivité, mouvement et repos, vie et mort, liberté et nécessité. Bref, matière = nature. Et le principe suffisant de l’existence, c’est la nature.

Appréciation. –Façon logique de se passer de Dieu, puisque l’on accorde à la matière les attributs divins : éternité, auto- dynamisme, liberté.

 

 Mais façon intolérable de se représenter la matière ; commune à tous les corps et corpuscules, permanente sous toutes ses formes, donc pouvoir de  recevoir les formes et l’existence, au titre de ses formes successives, et sous l’action de corps déjà formés.

 

Et façon insuffisante de se représenter la Nature.

La Nature, c’est l’ensemble des natures, c’est-à-dire la matière formée, autrement dit répartie en espèces, elles – mêmes réparties en individus, dont chacun par sa forme, est une nature .Si nous commençons, avec le marxiste, par supposer un univers de natures, nous obtenons aussitôt, par leur interaction déterminée, toutes les transformations et les évolutions. Mais cela ne peut nous faire oublier qu’il n’y aurait rien du tout, s’il n’y avait l’Existence-même ; qu’aucune nature n’est l’Existence-même. ;que le dynamisme de chaque nature n’est pas auto-dynamisme, mais hétéro-dynamisme, c’est-à-dire n’agit que sous l’influence des autres ; que l’orientation de chaque nature vers son bien, et celle de toutes les natures vers leur bien, et celles de toutes les natures vers le bien de l’univers ne peuvent être l’œuvre du Hasard, mais d’une Pensée. Bref, la nature explique tout, à condition d’être elle-même expliquée par Dieu.

 

 

 

 

                                 IV- Dieu et la matière

 

Le Principe suffisant de l’existence est aux antipodes de la matière.

                                           Texte

 

         « Le premier principe d’ordre matériel est le comble de l’imperfection ; car la matière, par définition,  est en puissance, d’où il suit que le premier principe d’ordre matériel est au comble de la potentialité et par là-même au comble de l’imperfection. Au contraire, quand on dit de Dieu,  qu’Il est Principe premier, on ne l’entend pas dans l’ordre  de la matière, mais dans l’ordre de la cause active, et il est nécessaire qu’un principe de cet ordre soit parfait. En effet,  de même que la matière par définition, est puissance de devenir, de même la cause, par définition, est acte.

                                                                                                                                                                                                               ( St Thomas .I .4,1)

 

Le Principe suffisant de l’existence est donc PUR ACTE , PURE FORME , L’EXISTENCE PURE.

 

        Mais de plus Il prouve qu’Il est Pensée et Liberté. En effet, Il est l’origine immédiate de toute l’existence, c’est-à-dire, non de l’existence de la matière, ni de l’existence des formes, mais bien de l’existence de tous les corps matériels. ;mais encore ,il ne produit pas chaque corps séparément, mais tous les corps pris simultanément et successivement ; bref, Il est cause de l’existence de tout l’Univers, et de l’existence de chaque corps dans l’univers dans son rapport de dépendance à l’égard de tous les autres ; en un mot, Cause de l’Ordre Universel.

 

        Mon être est donc pensé et voulu, à sa place dans le Tout de L’Existence, par le Créateur.

 

 

 

 

                                Leçon 4

 

 

                    De la matière à l’esprit

 

 

Rappel. - La matière est « de quoi être ».Elle n’existe que par une cause et sous une forme.

Mais cette forme, comment est-elle ?

 

I - La plupart des formes n’existent qu’avec la matière.

 

Principe : - Quand un être n’a d’autres           actions que celles qui sont soumises aux conditions de l’existence dans la matière, il est clair que le «  principe- qui -détermine- son être-et son – agir »(d’un mot sa forme) n’existe qu’avec et dans la matière.

 

Application.- C’est le cas des minéraux, des végétaux, des animaux : aucune des manifestations de leur être n’échappe aux conditions de l’existence dans la matière.

Quelles sont ces conditions ?

Définition.- Comme la matière n’est que « de quoi être », tout ce qu’elle peut faire,  c’est d’épouser une forme de manière à lui être totalement soumise et à l’absorber totalement. Si donc les formes se multiplient, comme c’est le cas dans notre univers, c’est en obéissant à deux conditions :

        1°La matière n’a qu’une seule forme à la fois, mais peut en avoir une infinité successivement.

        2°Chaque matière n’a qu’une forme, et cette forme exclut la possession de toutes les autres ; mais la même forme peut être réalisée simultanément en plusieurs matières, pourvu que ces matières soient réparties dans l’espace. Bref : Unicité dans le temps et singularité dans l’espace, d’un seul mot : particularité. Une forme qui n’existe que dans et avec la matière est toujours particularisée, c’est-à-dire répartie en plusieurs points de l’espace –temps, chacun de ces points étant unique au monde.

 

 

             II- Il est possible que des formes existent sans matière.

 

PRINCIPE- Si un être a des actions qui ne sont pas soumises aux conditions de l’existence dans la matière, sa forme ne doit ni ne peut exister avec et dans la matière.

 

Application- C’est le cas des esprits.

Définition : On appelle « corps »les êtres dont la forme n’existe qu’avec et dans la matière.

On appelle « esprits » les êtres dont la forme existe sans devoir son être à la matière. Et c’est leur manière d’agir qui prouve leur spiritualité ; ils pensent. Or la pensée exclut l’existence dans et avec la matière.

      En effet, penser, c’est en effet, penser, c’est se mettre en présence de la Totalité des êtres et de la Totalité de l’existence , y compris soi-même.

      Remarquez que déjà, la connaissance, dont pourtant les animaux sont capables,  est juste le contraire de la matérialité. La matière ne peut avoir qu’une forme : la sienne. Le connaissant a une forme qui lui permet de posséder les formes de quelques autres, mais sans les faire siennes  .(Le chat possède la forme de la souris sans devenir lui-même souris)

 

Mais, ce qui est propre à la connaissance intellectuelle (= pensée proprement dite),c’est :

1° que l’esprit est d’emblée en présence de l’être et donc de tous les êtres, saisis en bloc et confusément.

2° que l’esprit est , de «  proche en proche », en présence de l’univers des corps, et donc capable de connaître tous les corps ; ce que font les savants. Ce qu’aucun corps ne peut faire, et qu’aucun animal ne fait.

3° que l’esprit est capable de connaître toutes les formes ( y compris la sienne, par réflexion).

4° Quand il connaît la forme d’un être (ce rouge, ce chat),il connaît aussitôt toutes les formes de la même espèce(Le Rouge, le Chat).La matière est exactement ce qui est incapable de tout cela, puisqu’elle ne peut qu’une seule forme à la fois : la sienne ; et puisque la forme qu’elle prend, elle la fait exister ici et maintenant d’une manière qui la sépare de toutes ses autres réalisations.

 

 

En résumé : La matière individualise en ramenant le type universel à l’unicité d’un cas particulier.

       L’esprit universalise en réduisant tous les cas particuliers à l’unicité d’un type universel.

 

                                       Texte

 

« L’intelligence humaine n’est la détermination d’aucun organe. Il s’ensuit que ce qui lui est propre, c’est de connaître d’une part la forme existant, certes individuellement dans la matière corporelle et pourtant, d’autre part, non en tant qu’elle existe dans telle matière. Or, connaître ce qui existe dans la matière individuelle,  mais non en tant que cela existe dans telle matière ,c’est cela même abstraire la forme de la matière individuelle que les images mentales représentent. Pour cette raison, il est nécessaire de dire que notre intelligence comprend les formes matérielles par abstraction des images.(S .Th I,85,art.1)

 

 

                

 III- Il y a un être qui est à la fois un corps et un esprit*

 

Principe—S’il y a un être dont les actions sont de deux sortes :

les unes soumises aux conditions d’existence dans la matière( manger, dormir ,  désirer …),

les autres non soumises à ces mêmes conditions (penser, aimer..), alors cet être est manifestement un corps, mais un corps dontla forme est un esprit.

C’est le cas de l’homme.

Evidemment, il est paradoxal de dire qu’un esprit (être dont la forme existe sans matière) est la forme d’un corps (être dont la forme n’existe qu’avec et dans la matière.)Pourtant mon expérience possible me prouve que je suis un être unique : c’est le même moi qui mange et qui pense. Donc le principe- qui détermine- mon être- et mon agir (d’un mot ma forme) est unique ; il détermine en moi un être et un agir corporels et aussi un être et un agir spirituels.

 

 

 

                                        Leçon 5

 

                               De l’esprit à l’amour

 

Transition.-La connaissance est présence non-physique .L’amour est tendance à la présence physique(ou union physique).La connaissance propre à l’homme est présence au Tout. L’amour propre à l’homme est tendance à l’union au Tout.

 

               I- L’amour, c’est le rapport mutuel de la partie et du tout

 

Les êtres multiples et finis ne peuvent être, et être bien, qu’ensemble : c’est-à-dire formant un Tout dans lequel chacun est partie complémentaire des autres. Donc, en s’appelant, en s’exigeant les uns les autres et en se portant les uns vers les autres, et tous vers le Tout dont ils font partie.

 

                               II-Divers degrés de l’amour

 

A - Sans connaissance, dans l’inconscient, c’est l’appétit naturel qui est le fond même de l’être physique (même la matière est aspiration à l’être), aspiration inconsciente à se joindre, à un autre pour former un tout.

 

B - Avec une connaissance particulière, dans la connaissance animale. C’est la tendance vers le particulier, découvert comme un perfectionnement (La découverte animale de l’autre comme perfectionnement, c’est le plaisir ; ce qui ne veut pas dire que l’animal cherche le plaisir, mais le plaisant ; sans aucun subjectivisme,il s’y absorbe, en toute innocence)

C’est l’aspiration,  vers l’autre partie du tout que je suis.

NB :Danger pour l’amour familial : traiter l’autre comme partie de soi)

 

C- C’est avec la connaissance universelle : dans la conscience spirituelle.

C’est la tendance vers l’universel, découvert comme perfectionnant non seulement moi, mais aussi tous les autres. La découverte de l’universel comme perfectionnant toutes sortes de sujets, c’est la découverte de la notion de Bien (ce qui ne veut pas dire que l’homme cherche l’idée de bien, mais la réalité bonne).

C’est l’aspiration libre vers l’autre soit comme partie du tout que je suis ; soit comme partie du même tout que moi. ( bifurcation importante entre amour de soi et amour des autres.

 

 

 

                       III- Les deux sortes d’amour humain

 

Quand je pense la notion universelle de bien, je conçois un rapport entre :

1°Une chose qui est bonne, et pour qui j’ai de la convoitise ;

2°l’être à qui cela est bon, et pour qui j’ai de l’amitié.

Mais ce dernier,( pour qui la chose est bonne), ce peut être moi ou les autres.

      A- Amour de soi : On a forcément, par nature, un minimum d’amour pour soi-même (amour légitiment intéressé)

On peut malheureusement ne concevoir d’amitié que pour soi-même (amour illégitimement intéressé=égoïsme) User des autres comme de parties.

     B-Mais heureusement, on peut aussi avoir amitié pour les autres =aimer un bien (par convoitise) pour qu’il soit à un autre (  par amitié)

Comment cela ? Parce que l’esprit connaît la ressemblance entre le moi et le toi, la communauté spécifique qui fait que nous sommes parties du même tout humain. Dès lors il peut aimer l’autre comme un autre soi-même ; et même plus que soi-même si je sacrifie mon bien privé fini au sien. En ces deux cas, j’aime un bien qui est bon pour moi, mais je l’aime en tant que communicable à tous mes semblables. S’user soi-même au service des autres, considérés comme parties d’un Tout qui nous dépasse. Le mieux étant d’ailleurs de s’user au service du Bien commun de ce Tout, bien qui dépasse tous les biens privés.

 

 

                                                    Texte

 

« Du fait que deux êtres sont semblables, comme n’ayant qu’une forme, ils sont en quelque mesure un en cette forme (ex : Deux hommes sont un dans l’espèce humaine.)De là vient que l’affectivité de l’un tend vers l’autre come ce qui ne fait qu’un avec soi, et qu’il veut ce qui est bon pour lui comme s’il s’agissait de lui » (I-II,27 ,3)

 

 

 

 

                                         Leçon 6

 

                                     

                                De l’amour au Bien

 

Rappel -Aimer à la manière qui revient à l’homme, ce n’est pas simplement éprouver une attraction vers quelqu’un, c’est fonder une société avec une personne, c’est-à-dire communiquer avec elle dans un bien commun.

Qu’est-ce , en effet que la personne ?

 

                    I  - La personne est pour et par la communication.

 

Il n’y a « personne » que parce qu’il y a communication, il n’y a communication que parce qu’il y a bien commun.

A- Les choses sont fermées sur elles-mêmes et n’agissent les une sur les autres que pour s’altérer ou s’aliéner ( se changer en autre chose).

B- Les personnes sont ouvertes (déjà l’âme est en quelque manière toutes choses, mais l’esprit est ouvert sur la totalité des êtres. (Arriver à l’âge de raison, devenir une grande personne, c’est acquérir une conscience d’univers) Elles agissent les unes sur les autres en se communiquant leurs biens, de manière à se faire erxister mutuellement d’avantage :c’est cela même aimer.

Bref : C’est à la fois en tant que communautaire que l’homme est personne, et en tant que personne qu’il est communautaire.

 

               II - La communication première est communication avec Dieu.

« La communauté et la société humaine primordiale, fondamentale et irréductible…, c’est en principe et en droit, cette société est cette communauté avec Dieu. »

(Loyez : Personne et prospérité commune, p 111)

En effet, accéder à l’âge de raison, c’est s’ouvrir sur l’univers des êtres ; or, s’ouvrir sur l’univers, c’est reconnaître que notre être ne vient pas de nous et ne revient pas à nous, mais vient du Tout et revient au Tout, et finalement vient de, et revient à, l’Existence- même. Car »toute réalité cela même qu’elle est, elle l’est d’un autre »Or,  « la tendance que l’on éprouve pour ce dont on dépend dans l’être, est plus principale que celle que l’on éprouve pour soi-même »Le bien d’un être dépendant n’est que dans la communion au Bien de Celui dont il dépend.

Donc, le fait de rechercher son Bien total dans l’autre que soi est la seule manière d’être homme intégralement, bref, d’être une personne adulte. Vivre en esprit, c’est faire acte de présence et de communion au Bien de l’univers, le plus commun de tous les biens communs. Il n’ya de Bien commun que parce qu’il y a un être commun. ; et il n’y a être commun que parce qu’il y a une Source commune d’être. Savoir cela, c’est vivre en homme.

Et comme le propre des actes de l’esprit, c’est d’être conscients, un homme qui ne serait pas conscient de sa présence et de sa communion au Bien du Tout, mènerait peut-être une vie saine et innocente, mais ce serait une vie animale. Car l’animal aussi vit, sans le savoir, en état de présence et de communion au Bien de l’univers. « L’homme possède une aptitude naturelle à penser et à aimer Dieu ; et cette aptitude réside dans la nature– même de l’esprit, qui est commune à tous les hommes »(I, 93, 4)

 

III – La reconnaissance de l’autre comme personne est la découverte de notre communication avec Dieu.

 En effet, pour que nous nous reconnaissions comme sacrés l’un pour l’autre, comme face à face l’un de l’autre(opposés sans hostilité, mais pour cultiver au maximum notre différence),communicants l’un avec l’autre(sans absorption)…il faut et il suffit que nous nous reconnaissions comme faits tous deux pour communier au Bien Communicable de Dieu, immédiatement ,c’est-à-dire sans la médiation de l’univers ,ni d’aucune société purement humaine

 

Contre-épreuve : le libéralisme (philosophique, moral, social, religieux) qui fait de la liberté individuelle le bien de l’homme(au lieu d’en faire le moyen suprême d’un Bien divin nécessaire ) engendre :

1°- l’individu libéral et laïque, qui n’a plus de Bien infini commun ;

2°-l’individu marxiste, qui n’a plus de bien spirituel commun ;

3°-l’individu existentialiste, qui n’a plus de Bien commun du tout, mais qui se choisit en identité de situation avec les autres.

Dès lors, il n’y a plus moyen de considérer ces hommes comme sacrés, opposés et communicants.

 

 

 

 

 

                                        Leçon 7

 

 

                          I -Le seul vrai Bien total est Dieu

 

Fait pour penser la Totalité de l’être, et la source de la Totalité, l’homme est aussi fait pour aimer la totalité du Bien et le Bien de la Totalité.

Donc :

1° aucune personne n’est bonne, ni bien que par communication avec Dieu.

2°- aucune chose n’est un bien que si elle est moyen ou condition de cette communication ;

3°-aucune valeur humaine ne s’impose que si elle est pour la totalité des personnes moyen d’entrer immédiatement e n possession du Bien total ;

4°- le mal de la personne n’est que le refus du Bien total

5°- la privation d’un bien matériel n’est  un mal de la personne que dans la mesure où elle le prive du Bien total (minimum de biens matériels requis)

 

II - La seule répartition humaine des biens matériels entre les personnes est :

Non l’appropriation exclusive, comme si la personne considérait sa propriété comme son bien total ;

Ni, la possession commune, comme si la société avait pour bien total la communauté des biens matériels;

Mais la possession qui garantit le mieux la communication de chaque personne avec Dieu, et avec toutes les autres personnes dans les biens spirituels ;

Or, compte tenu des passions égoïstes, le meilleur système( dans l’état d’imperfection morale de l’humanité),c’est l’appropriation par les personnes physiques et morales , jointe à l’usage social des biens possédés(Exemple de l’Église primitive, des communautés monastiques)

III -Contre-épreuve

A- L’individu libéral n’a d’autre bien que privé, fini,  libre .L’intérêt général n’est que la somme des intérêts privés .Le résultat est l’absorption du bien total de la personne dans sa propriété privée ; la société n’est que la garantie suprême des biens privés.

B- L’individu marxiste n’a d’autre bien commun que matériel.Le résultat est la résorption du bien total des personnes dans le bien collectif matériel de l’économie.

C - La personne communautaire n’a pas seulemen,t à se procurer son bien privé, ni à procurer aux autres leur bien privé, mais elle a        d’abord à procurer à soi-même et eux autres, inséparablement, le Bien total Divin, et ensuite, obligatoirement le moyen permettant à toutes de se mouvoir elles-mêmes vers leur fin.( Minimum de biens matériels privés assurant à chacun indépendance , dignité, sécurité).

 

 

En guise de conclusion

 

Le Bien substantiel vers lequel se porte l’affectivité peut se présenter de trois façons :

Premier cas :Celui qui aime est plus parfait que l’être aimé. En ce cas l’amour de celui qui aime se porte vers l’aimé comme quelque chose qui fait partie de lui.

Deuxième cas : l’aimé est sur le même plan que celui qui aime.

Troisième cas : l’aimé est plus parfait que celui qui aime et par conséquent, celui qui aime entretient avec lui le même rapport qu’une partie avec son tout.

 Eh bien ! donc, lorsque l’affectivité de celui qui aime se porte vers un aimé qui lui est supérieur, et dont lui-même relève, celui qui aime ordonne son propre bien vers l’aimé. Exemple : si la main aimait l’homme, elle devrait ordonner vers l’homme ce »la même qui la constitue en propre.

Il n’en va pas de même quand quelqu’un aime quelque chose qui lui est égal ou inférieur. Car enfin, si une main aimait l’autre, elle n’aurait pas à s’ordonner tout entière vers l’autre ;pas davantage, l’homme aimant  sa main n’ordonne tout vers le bien de la main

Ainsi donc, l’on doit aimer Dieu de telle manière qu’on ne garde pour soi rien de soi sans l’ordonner vers Dieu.

Tandis que, lorsque l’on aime des êtres égaux ou inférieurs, il suffit qu’on ne tende pas seulement vers soi, mais aussi vers l’autre : point n’est besoin que l’on s’ordonne totalement vers eux.(Commentaire duTraité des Noms divins).

 

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