L’âme humaine et ses relations avec les autres esprits SUITE - CH 4
V.
L'origine de l'âme humaine.
Dans la théologie de l'âme humaine, une extrême importance doit être reconnue au fait que l'âme est un être
de substance strictement spirituelle, dont les opérations sont supérieures aux possibilités de la matière organique. Après quelques hésitations des Pères de l'Eglise, l'Eglise a maintenant adopté
une doctrine stable: chaque âme humaine est créée directement par Dieu. L'argument en est que ni le corps des parents, ni leur âme n'ont le pouvoir de produire une âme spirituelle. Sa
création est donc nécessairement l'œuvre de l'Esprit Tout-Puissant, créant" ex-nihilo" les natures spirituelles. C'est le mystère insondable de la Toute-Puissance Divine que nous ne pouvons
qu'adorer.
La nature fait le corps selon les lois de la création corporelle, la génétique nous en dévoile les secrets déterminismes. La nature forme l'anneau d'or, Dieu insère sur cet anneau le diamant : l'âme. L'âme n'est pas une partie de Dieu, une étincelle de la vie divine, comme on a pu le dire. Elle est très nettement séparée de Dieu, individualisée pour être infusée dans la matière corporelle. C'est l'âme qui porte l'image et la ressemblance de Dieu, car elle est un esprit et son activité de connaissance et d’amour ressemble à celle de son Créateur.Elle prend possession de la réalité corporelle dès que celle-ci a assez de consistance pour être informée par elle. Les études d'embryologie montrent que le corps humain est très vite ébauché dès les premiers jours de la croissance. C'est pourquoi l'Eglise a toujours interdit l'avortement et a préconisé le baptême des enfants, même très malformés.
VI. La doctrine de l'âme et les « théories de l'Evolution ».
Des savants modernes, athées ou agnostiques, en général spécialistes éminents dans leur branche et pourtant assez désinvoltes envers certains principes de philosophie élémentaire,(Par exemple : Le plus ne sort pas du moins) soutiennent sans preuves convaincantes, que l'homme descend du singe, qui est lui-même le terme d'une évolution continue à partir des êtres inférieurs, et ce par un « heureux Hasard ». Pour eux, le passage entre la matière minérale, puis vivante, végétale, animale et enfin humaine, se fait avec le temps, sans plus de " problèmes". Ainsi sont gommés les abimes qui existent entre le monde minéral et le monde humain. A force de vouloir unir à tout prix on perd l'intelligence des distinctions nécessaires. « Le Plus ne sort pas du moins », on ne le répètera jamis assez.
La doctrine catholique ne peut admettre l'identité de la vie d'un singe et de la vie d'un homme. Elle montre que les activités de type spirituel qui font la grandeur de l'homme sont dûes à la présence d'un élément absolument nouveau : l’âme spirituelle irréductible à une simple réflexion de la matière sur elle-même, ou a un .” progrès de la matière".( Les thèses du P. Teillard de Chardin ont été à juste titre, condamnées par l'Eglise et il est à noter que ce Jésuite s'est soumis à cette interdiction. Ses disciples feraient bien d'en faire autant.) La raison éclairée par la Foi, s'insurge contre toute assimilation abusive.L’esprit immatériel ne peut « émerger » de la matière.
Comment l’homme a-t-il été créé? Pour l'instant, nous pouvons dire en vérité qu'il est plus sage de croire à ce que dit l'Ecriture Sainte, que de croire ce que disent les" athées". Dieu a créé l'homme par un geste spécial, en “.. soufflant sur le limon”, c’est à dire en insufflant dans un corps matériel l’âme spirituelle. Cette certitude de Foi nous suffit pour expliquer notre propre création personnelle et la création de nos ancêtres. La science nous en dira peut-être plus un jour, mais nous sommes sûrs qu'elle ne dira pas le contraire, sans se contre-dire elle-même.
Au mystère de la création, les “ évolutionnistes", préfèrent la mythologie d'une" Matière" responsable de l'évolution continue. C'est le type même du faux-dieu,la « Nature », de l'idolâtrie intellectuelle. Il est plus sage de s'en remettre à la Sagesse Divine que de troubler les esprits par des fables trop humaines. Lucifer a tout intérêt à inciter les hommes à ne pas reconnaître la dignité de leur nature spirituelle, et à nier la Toute-Puissance de Dieu. Attribuer à la nature seule ce qui est à Dieu est un vol tout à fait dans le ligne de l'orgueil démoniaque. A nous de ne pas le suivre et de le congédier avec ses suppôts, au cri de St Michel : " Qui est semblable à Dieu ? .. Qui peut percer Ses Mystères ?
VII. Le péché originel et l'âme humaine.
On ne peut rien comprendre à la doctrine catholique si on diminue la spiritualité de l'âme, sa séparabilité, au moins pour un temps, du corps à la mort et la notion de péché originel. .. Celui qui commet l'inquité est ennemi de sa propre âme" (XII.!). Il n'est pas possible de comprendre les conséquences du péché originel, si l'on ne connait pas l'état d'Adam et d' Eve avant le péché. Nous renvoyons notre lecteur à la description biblique de la faute d'Adam, faute qu’il faut considérer comme historique et non mythique, car le péché en lui-même demanderait une longue étude.C’est essentiellement une désobéissance. Parlons seulement des résultats.
Quand Dieu créa l'homme, Il mit en lui un don suprême, appelé par les théologiens le .. “don de Justice originelle ". Ce don rendait la volonté parfaite à l'égard de Dieu et des créatures. Adam était saint. C'est la perte de cette justice originelle qui constitue le péché originel. Ce don de la justice originelle subordonnait la volonté humaine de façon parfaite à la Volonté Divine. Toute la volonté de l'homme était tendue vers Dieu, élevée vers Dieu. Après la désobéissance, cette harmonie a été brisée. L'âme humaine s'est retournée vers elle-même, comme un tournesol se détournant du soleil qui le fait vivre. Cette faute portait le germe de la mort.
En donnant la préférence à sa propre volonté, Adam s'est opposé à Dieu qui était jusque là son unique objet d'amour. En se détournant de son Soleil, il perdait la lumière et la chaleur, la Vérité et la Vie. Il entrait dans le monde des ténèbres et de la mort, de la division. Le miroir se brisait en mille éclats. L'Unité était perdue. L'âme s'enfonçait dans la matière et risquait d'y engloutir toute son activité. L'élan vers Dieu, cette légèreté spirituelle était entravée. .. Adam vit qu'il était nu ". Il découvrait le monde du corps dans toute sa pesanteur.
A l'ordre magnifique de la grâce, succède le désordre de l'état de péché. L'attachement à la chair, les désirs désordonné, l'ignorance, la faiblesse, les infirmités firent leur apparition. Ayant perdu les ailes ,il risquait de s'enfoncer dans le marais gluant de la matérialité. Tous les jours nous sommes témoins de ce désordre.
Adam était seulement blessé mais cette blessure se transmit de génération en génération, car Dieu avait cessé de donner la Justice originelle, puisqu'il l'avait méprisée. Dieu seul pouvait la rendre. Et II fit avec magnificence en venant Lui-même expier les péchés des hommes sur la Croix et ainsi permettre l'effusion de la grâce sanctifiante. Le Baptême nous ramène dans l'intimité de la Vie Divine. Mais il ne faut surtout jamais oublier qu'il a fallu la mort de Jésus, Sa Passion cruelle pour payer nos dettes. Toute grâce nous est donnée par l'Esprit-Saint au Nom de Jésus, en vertu de Ses Mérites, de la part du Père. Il n’y a pas de salut sans la Croix du Christ. C'est la seule porte pour échapper au monde enlisant de la matière ténébreuse.
.. “ Bienheureuse faute d'Adam qui nous a valu un tel Rédempteur “Nous qui avons la grâce d'être baptisés, sachons reconnaître la responsabilité qui est nôtre, d'amener les âmes encore sous l'emprise de la blessure originelle, au Baptême. Prions et souffrons dans ce but. Jésus n'a pas fait autre chose et Marie et tous les Saints avec Lui. Si par notre baptême, le péché originel est totalement effacé, notre nature reste comme blessée en son intimité et reste fragile. Veillons donc et prions afin de « ne pas succomber à la tentation »
VIII- La vie morale de l'âme. Les dangers
a- Le péché mortel, le Mal suprême de l'âme.
"Ceux qui commettent le péché et l'iniquité sont ennemis de leur âme" ITob. XII. Il
Le péché n'est possible qu'aux créatures spirituelles. Un animal, un arbre, une pierre ne péchent pas parce qu'ils ne sont pas libres dans leur volonté. Le péché de Lucifer fut de tous, le plus grand car il fut commis par un pur esprit. La péché mortel est essentlellement une rupture volontaire de l'ordre, de l'harmonie universel.
L'homme appartient à Dieu, à l'humanité et à lui-même. Il pèche parce qu'il se met en opposition volontaire à Dieu, à l'humanité, ou à lui-même.
Appartenant à Dieu, il a des devoirs de religion. Il doit à Dieu l'obéissance de son intelligence, de sa volonté. L'ordre universel est ainsi établi. Négliger ses devoirs envers Dieu, c'est se mettre en dehors de l'ordre universel. C'est le point de départ de la rebellion caractérisée qui fait le contraire de ce que l'ordre exige.
Appartenant à l'humanité, l'individu a, à son égard, des devoirs d'amour et de justice. La violation et la négligence de ces devoirs le mettent en état de désordre et de rebellion contre la nature humaine.
Enfin, l'homme n'est pas une entité simple. Il est composé d'un esprit et d’un corps.L’harmonie et l’ordre sont atteints pour lui quand le corps obéit à l’esprit.Il y a péché contre soi-même si l’ordre n’est pas respecté.
Il faut véritablement penser le péché comme une blessure quasi physique, une amputation, un aveuglement, une surdité qui vont en s'aggravant. Le péché est une "offense", une destruction, un effondrement, une dislocation dans une relation. Le péché mortel est une rupture, une cassure, une volte-face, un crime de déicide, d'homicide, de suicide. Il ne faut rien moins que la mort volontaire d'un Homme - Dieu pour l'effacer et l'expier. Il n'y a donc pas de petit péché, de péché “mignon”. Le moindre péché véniel consenti est une démarche vers la rupture. C'est une absurde auto-mutilation.
La rupture du péché dépend de la volonté libre, qui est une puissance entièrement spirituelle. La volonté libre pèche de deux façons : directement ou par consentement.
Directement, en faisant volontairement et sciemment ce qui est connu comme le mal: voler, tuer, mentir., tromper; Indirectement en ne s'opposant pas à la sensualité, aux pulsions corporelles désordonnées (luxure, gourmandise, colère, etc..). L'indulgence exagérée pour soi-même devient péché de la volonté libre, car elle n'a plus rien à opposer. Elle ne veut plus autre chose, plus que la jouissance immédiate. Par paresse, elle se laisse volontairement envahir par le mal et en devient esclave volontaire.
Le péché mortel commis en matière grave et avec plein consentement, est incompatible avec l'habitation en nous de la Sainte Trinité qu'est l'état de grâce. C'est logique puisque volontairement l'Envoyé, le Saint- Esprit est chassé. L'Esprit-Saint vient pour élever l'âme et y demeurer. La volonté libre du pécheur ne veut pas de cette élévation et de cette intimité. Il y a incompatibilité qui risque d'être éternelle si le pécheur ne se repent pas avant de mourir. La pénitence finale est une grâce divine. Sans cette grâce miséricordieuse, que Dieu n'accorde qu'à ceux qu'II désigne Lui-même et non à tous comme on voudrait le faire croire de nos jours, l'âme ne peut plus rien faire et s'enfonce dans la ténèbre éternelle. Nous devons remercier Dieu de ne pas nous avoir laissé dans notre péché. On oublie trop cette générosité divine de qui découle le moindre bien !
Ayons confiance en Dieu, mais soyons vigilants ! Car le démon rôde dans le monde cherchant qui dévorer ! On ne badine pas avec Dieu, on ne badine pas avec le péché . Prions, prions, pour que Dieu nous accorde par Marie la grâce "à l'heure de notre mort". Prions pour les pécheurs en grand péril .
b- Le péché véniel.
Un péché est dit véniel si la matière est secondaire - si le consentement est incomplet.
On ne comprend bien le péché que si l'on a en vue la raison d'être de l'âme. Elle est faite pour épouser Dieu, pour Lui être unie d'amour éternellement. Le péché mortel rompt les fiançailles, c'est l'Infidèlité complète et consommée, ouvertement et publiquement assurée. Il rejette le projet Divin. Le péché véniel est plus subtil et non moins odieux, quoi qu'il en soit.
Je ne veux pas parler des faiblesses humaines, non volontaires, des erreurs "par surprise", dont l'âme est humiliée tout aussitôt. Je veux parler de ces péchés "mignons" qui, à y bien regarder, sont plus odieux peut-être à l'Amour de Dieu, que des fautes plus caractérisées, plus franches.
Imaginons une fiancée qui aime son fiancé. Elle lui jure sa fidélité éternelle, mais cela ne l'empêche pas, devant lui, de faire des avances à d'autres galants, de leur trouver des charmes, que n'a pas le fiancé et de lui faire savoir. En un mot, son amour est tiède, à vomir. Le fiancé est bafoué dans son amour et risque bien de "claquer la porte" un beau jour . Le péché véniel est un péché de tiédeur dont l'âme est responsable. Elle est responsable de son infidélité, de sa torpeur, de son absence de choix, de son "ni chaud, ni froid".
Prenons des exemples : l'amour-propre, la vanité. Combien nous aimons être trouvés intelligents, dévoués, lucides, vertueux! Et avec quel empressement nous nous accordons des "satisfecit" pour nos bonnes œuvres, oubliant que c'est Dieu qui fait le bien en nous et que c'est à Lui qu'est due toute louange. Ce retour complaisant sur notre propre vertu, réelle ou imaginaire est un vol, une infidélité à Dieu, une tiédeur, un obscurcissement de l'âme. Il peut être la source d'une foule de péchés véniels: la gourmandise, les "petits mensonges", les manques de générosité, les pardons différés, la négligence dans la prière, etc... La seule façon de sortir du sommeil : demander à l'Esprit-Saint de nous secouer, accepter les épreuves "qui nous remuent". Lui demander de mettre en nous le "soleil" qui nous fera discerner nos fautes et nos défauts et les détester. Il faut vouloir aimer, c'est cela l'Amour et vouloir aimer absolument, c'est cela aimer absolument. "Oué Votre Volonté soit faite", donnez-nous la force contre la tentation, délivrez-nous de la tiédeur et du Mal du péché. Voilà ce que nous devons tout le jour, demander à Dieu "car la prière qui espère tout, obtient tout, car elle aime tout". Bien les saints ont une horreur profonde du moindre péché et que l'idée même d'un péché mortel les fait défaillir physiquement. "Car notre Dieu est un Dieu jaloux, tellement jaloux, qui ne tolère pas la moindre infidélité en pensée, en parole, en action et en omission".
“On mesure votre amour du Bien au degré d’horreur que vous avez pour le mal.On mesure votre amour de la Vérité à l’ardeur de votre zèle à la défendre quand elle est attaquée.”(E.Hello)
c) La pénitence, retour de la vérité, retour à la vie.
Dieu, dans Sa Bonté, ne laisse jamais un pécheur seul. Il le harcèle de Ses grâces pour qu'il revienne à Lui. Les épreuves, les remords, sont autant de grâces de retour. Sainte Catherine de Gênes a écrit que ce qui fera la honte des damnés, ce sera de voir combien ils ont résisté aux grâces de Dieu pour qu'ils sortent du péché. Ce n'est qu'à la mort que la rupture est consommée.
Le retour commence avec la prise de conscience de l'âme de son état de désordre, d'indignité devant Dieu, l'humanité, elle-même.
Les premiers degrés de la contrition (suffisants pour la miséricorde divine) sont justement cette honte devant Dieu, nos frères et nous-mêmes.Cette contrition est déjà une grande grâce que la prière doit demander avec persévérance. La contrition parfaite est plus rare, car elle demande une grande connaissance et donc un plus grand amour de Dieu, c'est une plus grande grâce divine. Mise en face de la vérité, l'ame chrétienne devra se décharger de sa faute en l'avouant personnellement à un prêtre et recevoir de lui le pardon de Dieu. C'est une démarche humiliante voulue par la Bonté Divine. C'est pour cela que certaines "cérémonies pénitentielles" sont des "simulacres de sacrements" si elles ne sont pas suivies d'une confession personnelle des fautes graves.( sauf cas de périls imminents) Tout acte de charité doit être discret et c'est un grand acte de charité de se réconcilier avec Dieu, son prochain et soi-même. C'est pourquoi il y a beaucoup de joie dans le Ciel quand un enfant prodigue revient vers son Père. Il le couvre des baisers de Sa grâce et le fortifie pour qu'il ne reparte plus de la Maison. Mais c'est par le Pain Eucharistique qu'II lui donne cette force, cet élan vers le progrès, cette docilité à l'Esprit-Saint, car c'est le Pain des âmes, le Pain de la Vie, en esprit et en vérité.
IX - L'âme humaine après la mort
Nous avons vu comment l'âme, après la désorganisation du corps, changeait totalement de " mode de vie" et devenait un esprit pur, entrait dans le monde des esprits avec ses lois particulières; grande connaissance d'elle-même, des choses inférieures et grandes lumières sur le monde" d'en haut ", ceci qu'elle soit bonne ou mauvaise, bienheureuse ou reprouvée. Ce moment de la mort est donc un instant très solennel qui doit se préparer pendant toute la vie, car ensuite, toute marche arrière est impossible à jamais. C'est alors le jugement particulier dont les modalités restent mystérieuses et qui décide de la nouvelle orientation de l'âme.
a) Le dogme de la perte éternelle et ses raisons
C'est un chapitre essentiel de la foi chrétienne que l'éternelle réprobation attend l'esprit humain qui entre à travers la mort, en état permanent d'esprit, si sa volonté est fixée en état de péché mortel au moment de cette mort. Le péché mortel est la seule et entière cause de réprobation. Saint Thomas précise que la peine éternelle ne correspond pas à la gravité de la faute, mais à la nature irréparable de la faute. Cette faute est irréparable car, à cause du péché mortel, la grâce a été bannie de l'âme et n'y est pas revenue avant la séparation de l'âme et du corps, parce que le pécheur a refusé volontairement les ultimes avances de la Miséricorde Divine lui offrant Son secours" Tant que l'âme est unie au corps, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir ". Mais ensuite, c'est trop tard. Telle est la Loi Divine qui ne souffre pas d'exception.
Il est de Foi catholique que l'esprit réprouvé (soit humain ou angélique) a une volonté qui est éternellement et irréversiblement incapable de repentir et de rectitude morale. Ce serait une idée tout à fait étrangère au catholicisme de représenter l'Enfer comme peuplé d'esprits qui implorent miséricorde et ne peuvent la trouver. Le temps de la miséricorde est passé, principalement parce que les esprits perdus ne veulent pas de la miséricorde. Ils sont laissés à eux-mêmes. Ils ne reçoivent aucune grâce actuelle et sont ainsi incapables intrinsèquement de restaurer une rectitude morale. Ils ont perdu la réceptivité à la grâce. Il n'y a plus de porte pour la grâce. Leur volonté ne reçoit l'aide d'aucune grâce car cette volonté est incapable de changer.
Si on dit que Dieu inflige une éternité de réprobation, c'est en ce sens : Dieu a fait les natures spirituelles si parfaites, qu'un mauvais usage de leur puissance amènera des résultats aussi permarents que leur bon usage. L’éternelle réprobation est, pour Saint Thomas, l'application logique de la permanence de la volonté des esprits. C'est ce qu'il appelle l'obstination dans le mal. En choisissant le péché, un esprit choisit sa peine. Il choisit d'être en opposition avec l'harmonie de la création. Il choisit la honte. Là encore, Dieu, dans Sa Justice, applique la loi, ou plutôt, la loi de Justice s'applique d'elle-même.
Que ces méditations nous donnent la crainte du péché mortel et de ses occasions pour nous-mêmes et pour autrui. Nul n'est à l'abri. Sans la grâce actuelle de Dieu, il est impossible à l'homme de faire un acte bon. Soyons donc humbles et conscients de notre fragilité, prions pour ne pas succomber à la tentation et pour être délivré du Malin. Pardonnons dès maintenant à nos ennemis, car garder rancune au-delà de la mort peut emmener en Enfer.
b- La souffrance des esprits réprouvés
La permanence d'un esprit dans le mal est une chose, sa peine en est une autre. Saint Thomas a bien décrit cette peine et Dante s'est inspiré de sa doctrine dans sa description de l'Enfer. A la question: les démons peuvent-ils souffrir? Saint Thomas répond (Q 64.3 A).
La peur, la souffrance, la joie, ou autres choses de telle sorte, pour autant qu'elles signifient des états passifs (passions) ne peuvent être appliquées telles quelles aux démons. Car, en ce sens, ces états appartiennent en propre à la faculté sensitive qui a son siège dans un organisme corporel. Mais au sens où ils signifient simples actes de volonté, ils peuvent être trouvés dans les esprits réprouvés. Car la souffrance, dans la mesure où elle signifie un acte de la volonté, n'est rien d'autre que la lutte obstinée contre ce qui est, ou ce qui n'est pas. On voit donc que les réprouvés voudraient que beaucoup de choses qui existent ne soient pas et l'inverse. Le châtiment réside dans cette répugnance de la réalité à leur désir, il est ce qui va contre la volonté du châtié. Sa souffrance est une lutte désespérée pour surmonter un obstacle insurmontable. C'est une lutte contre ce qui est ou n'est pas, selon l'ordre voulu par Dieu, c'est cet effort vain de sa propre volonté perpétuellement en opposition et sans perspective de succès. Dans un esprit, c'est la même puissance qui pèche et qui souffre: la volonté. Cette définition de la souffance du démon ou du damné doit être retenue: la résistance de la volonté à ce qui est, ou ce qui n'est pas.
O combien mieux dirons-nous à Dieu : " Que Votre Volonté soit fait sur la terre comme au Ciel ". Combien mieux nous accepterons que ce qui est actuellement la Volonté de Dieu soit ainsi, et que ce que Dieu ne veut pas pour nous en ce moment (bonheur, santé, richesse, joie, etc...) ne soit pas.
Ceux qui se révoltent contre cette Volonté se préparent à l'enfer. Si nous rejetons la croix, celle qui contredit notre volonté, nous risquons de subir l’éternel châtiment d’être livré à notre seule volonté pour l’éternité.Que nos Fiat se joignent à nos Magnificat ! Marie a vaincu l’enfer en s’affirmant la Servante du Seigneur, elle a été attentive à la Volonté de Dieu pour ce qui est, et ce qui n'est pas, ne doit pas être. Elle a été guidée par l'Esprit de Sagesse qui permet de bien distinguer la Volonté de Dieu dans les plus petites choses de cette terre. C'est pour cela qu'elle est grande et qu'elle règne au Ciel. Sainte Marie, préservez-nous de l'Enfer, soumettez notre volonté pour que nous ne soyons pas tentés de nous unir au “non serviam " de Lucifer.
Nous n'aborderons pas ici le problème de l'enfer en lui-même, avec ses peines de la privation de Dieu. Il est de Foi que l'enfer est un lieu de Feu, nous croyons à ce dogme de l'Eglise. Posons-nous la question de savoir comment un esprit immatériel peut être soumis à un feu matériel et en souffrir ? Nous avons vu que la volonté du réprouvé toujours en échec dans son objet, est contraire à l'harmonie universelle. Cette notion d'harmonie est fondamentale. Dieu ne peut tolérer que les démons troublent éternellement cette harmonie en se mêlant aux esprits bienheureux. Il doit donc rendre captifs ces esprits malfaisants, les priver de la liberté de nuire. Le seul moyen est de circonscrire leur sphère d'action. La Sagesse Divine ne voulant détruire aucune créature a créé le feu de l'enfer, réalité matérielle pour y " localiser" l'action malfaisante des esprits révoltés. Dieu restreint ainsi leur arrogance en les liant à une réalité qui les abaisse. En ce qui concerne cette réalité, Dieu aurait pu choisir l'eau par exemple, Dieu a choisi le feu. Il y a là des raisons mystérieuses d'une infinie sagesse. Il est évident que les esprits ne brûlent pas d'un feu matériel, car ils sont inconsummables. Mais on peut dire que ce feu leur cause une souffrance de la volonté, certainement infiniment brûlante (" cuisante ", dit-on familièrement pour parler d'une défaite honteuse).
L’âme réprouvée, avant la résurrection, subit ce châtiment de la captivité par le Feu. A la résurrection, le corps participera à cette brûlure de l'esprit, sans se consumer, pour l'éternité.
Avant de terminer ces quelques aperçus, disons seulement que dans le cas de la souffrance de l'enfer, Dieu n'est pas l'agent de cette souffrance. Il a créé l'enfer, ses lois propres, comme un instrument de châtiment, mais c'est l'état de l'âme qui la torture dans son refus et sa révolte éternelle contre ce qui est. Nous verrons qu'il en est tout autrement pour le Purgatoire où Dieu-Amour intervient plus directement dans l'affliction de l'âme sauvée qui doit, néanmoins, être purifiée. Ayons donc un grand respect des lois de Dieu par lesquelles Il règle l'Univers. S'en écarter met en grand danger de tomber sous le coup des lois de Sa justice, c'est mépriser Sa Miséricorde.
Louées soient cette Miséricorde et cette Justice dans le temps et l'Eternité.
c- La faim et la soif de Dieu dans l'âme désincarnée après la mort
On a écrit beaucoup de choses sur la soif de Dieu chez les réprouvés ; comme si l'âme réprouvée cherchait Dieu et ne pouvait Le trouver à jamais. Comme si la peine de l'enfer était le désespoir de ne pouvoir posséder Dieu. Ce n'est pas l'avis de Saint Thomas et des grands théologiens catholiques. En effet, la faim et la soif de posséder Dieu, comme la nourriture de l'âme sont les plus hautes opérations de l'Esprit-Saint dans cette âme. Sa présence réclame une très haute perfection de l'amour.
Cette faim et soif de Dieu est l'état de l'âme sauvée admise à se purifier en Purgatoire, mais certainement pas l'état d'une âme en état de péché mortel irrémissible qui a plutôt une horreur profonde de Dieu, car sa volonté veut ce qui n'est pas possible et ne veut pas ce qui est (voir chapitre précédent). Chaque réprouvé a un objet particulier auquel tient, avec obstination, sa volonté. Mais c'est un objet qui est en dehors de l'ordre de l'Univers et il ne peut donc jamais donner le bonheur. Le cri des damnés est plutôt" où est mon bonheur à moi" ! (mon or, ma satisfaction, mon ambition, ma jouissance égoïste, etc...) et leur conscience leur répond: " il n'y a pas de bonheur, car cette idole n'est plus ".
Au contraire, l'âme en Purgatoire soupire après Dieu: " Où est mon Dieu, l'unique nécessaire? et l'Esprit de Dieu lui murmure: " Il vient ". La soif de Dieu vient de la grâce et son étanchement est la vie éternelle. La soif du bonheur égoïste vient du " bas" de la nature humaine. Il est tout opposé au Saint Esprit. L’Amour de Dieu a toujours eu pour adversaire l'amour propre, l'amour de soi. L’enfer est le lieu de captivité de ceux qui ont voulu faire leur bonheur tout seuls, au mépris des autres, sans vouloir savoir que le bonheur sur terre, c'est de donner du bonheur aux autres. Chercher son propre bonheur au mépris des lois de l'harmonie universelle (par tous les vices égoïstes, le mensonge, le mépris, le meurtre...) est voué à l'échec total, éternel.
Donnons donc avant de chercher à recevoir; donnons notre argent, nos biens, nos richesses temporelles aux pauvres. Donnons notre richesse spirituelle, nos talents de prière et de générosité. Perdons notre vie avant qu'elle ne nous perde. Voilà la leçon de l'Enfer. Que le mot de bonheur ne soit pas associé à notre Moi, mais à autrui ; sacrifier ses aises, sa jouissance aux autres, voilà la vraie vie.
d - Le Purgatoire
La doctrine catholique sur le Purgatoire est basée essentiellement sur cette partie du dogme qui considère le péché comme une offense à la Divine Justice.Dieu est offensé quand l’homme ne le cherche pas comme son Bien éternel et absolu. L’âme humaine ayant franchi le jugement particulier, est détenue dans une relative souffrance, à cause des droits de Dieu, non à cause de son état psychologique. Les petites imperfections de l'âme de cette nature restent la proie de la mort. Ce qui compte, c'est qu'elle soit en état de grâce et de charité envers Dieu, l'âme est parfaite et pure, car sa charité est parfaite. Le Purgatoire n'est donc pas un état intermédiaire de progression où l'âme deviendrait meilleure par elle-même, par ses propres efforts. Le temps du progrès moral est passé avec le moment de la mort. L’âme est fixée dans l'amour de Dieu. Si elle n'a pas réparé ses fautes par une juste peine, elle est en dette envers la Justice Divine pour ce qui reste de l'offense faite à Dieu par le péché mortel, bien que l'âme ait reçu le Sacrement de Pénitence. et qu'elle ait été lavée par le Sang du Christ. La réparation de l'âme doit se joindre à la réparation du Christ. C'est justice, et l'âme doit payer" jusqu'au dernier sou ".La justice, c’est de rendre à chacun ce qui lui est dû”
Mais elle est désincarnée. Les impressions des sens sont restées avec le corps. Les souffrances du Purgatoire sont donc un phénomène d'ordre exclusivement spirituel. Ce qui ne veut pas dire que des agents matériels, comme le feu, n'interviennent pas dans l'instrumentation de la captivité de ces esprits (voir chapitre précédent). Il existe bien un feu du Purgatoire non moins" cuisant" spirituellement que le feu de l'enfer. La différence énorme est que cette souffrance est limitée par la miséricorde divine. Pour un esprit pur, être captif de la matière est plus douloureux que pour un homme d'être lié pieds et poings" dans une étroite caisse". C'est Dieu qui, par Son Jugement Souverain est Maître absolu de l'intensité de la peine. Ce jugement est porté par le Christ Juge.
On voit la différence entre les peines de l'enfer et les peines du Purgatoire. Celles des damnés sont le résultat d'inflexibles lois universelles. Les souffrances du Purgatoire sont l'acte de Dieu qui est jaloux de la beauté de Son Epouse. Tout dépend de Dieu, de l'Amour. Ce qui permet l'Espérance, la prière, l'intercession, les offrandes de Messes, les sacrifices personnels, les indulgences qui sont comme des" chèques " tirés sur le trésor de l'Eglise pour le soulagement des âmes souffrantes. Les souffrances du Purgatoire sont beaucoup plus difficiles à comprendre que celles des damnés. L’état de réprobation est un état de péché mortel confirmé, d’incessante et acharnée opposition à l’harmonie du monde.La difficulté est pour nous de comprendre cet état éternel,plutôt que de savoir son mode de châtiment. Mais le cas des âmes du Purgatoire est complètement différent ; il n'y a pas d'opposition à l'harmonie de l'Univers, à la volonté d'amour de Dieu. La souffrance vient, de ce qu'étant en état de grâce, l'âme a faim et soif de Dieu et que c'est cette séparation momentanée qui fait souffrir sa volonté. Le désir de posséder Dieu est pour elle, un feu brûlant. Dieu se donne à elle quand et comme Il veut. L’âme est tout entière soumise à Sa Volonté, en paix, sans révolte. Cependant, ne nous trompons pas, les souffrances de l'âme en Purgatoire sont terribles et il ne faut pas être assez téméraire pour ne rien réparer sur terre de nos fautes pardonnées. Réparons nos fautes envers notre prochain de tout notre possible, réparons nos fautes en offrant nos souffrances personnelles dans ce but. La Providence y pourvoit. Pour rendre cette offrande adéquate, il faut l'offrir comme le Christ a offert la Sienne. Il ne suffit pas, répétons-le, d'offrir quelques prières ou quelques messes distraitement.
On comprend pourquoi les saints demandaient des croix à offrir pour la satisfaction des péchés. La terre est un lieu de passage très bref par rapport à l'Eternité ; faisons tout ce que nous pouvons ici-bas. Après la mort, nous ne pourrons plus rien par nous-mêmes et notre sort sera scellé. Nous ne pourrons qu'attendre le secours de nos amis de la terre et du Ciel.
Prions pour les âmes du Purgatoire, pour les agonisants, dès maintenant et jusqu'à notre propre mort, pour la gloire de l'Amour….
A Suivre