L'Incarnation , chef d'œuvre de Dieu 3/3
Extrait des trésors de Cornelius a Lapide Tome II page 504 cf unacumpaulosexto
DIEU s'est fait homme : Verbum caro factum est (Joann. F1.14). Le Fils de Dieu s'est fait le Fils de Marie. Voilà le plus grand, le plus parfait chef-d'œuvre de Dieu. Là, Dieu a montré Sa Toute-Puissance, en unissant l'homme à Dieu, le limon au Verbe, la terre au ciel; et cela par l'union hypostatique, par l'union la plus parfaite, la plus
intime, par une union indissoluble et nécessairement indissoluble (union des natures divine et humaine en une seule Personne)
Il a montré Sa Divine Sagesse, en prenant un corps dans le sein d'une Vierge, afin de pouvoir souffrir, satisfaire à Dieu le Père pour nos péchés, la divinité ne pouvant souffrir pour nous racheter Dieu a montré une justice consommée; car par la dignité de Sa Personne le Verbe fait chair a pleinement satisfait, en mourant, à la colère, à la vengeance, à la justice divines
Il a montré une bonté sans bornes; car Il s'est dépouillé, anéanti pour nous remplir de Ses dons
Il s'est fait le Fils de l'homme, dit saint Augustin, pour nous faire les fils de Dieu : ( De Incarnat, ).
Il est né sur la terre, afin que l'homme naquît pour le ciel, dit saint Grégoire : (De Incarnat. )
La Sagesse divine, dit l'Écriture, atteint d'une extrémité à l'autre avec force, et dispose toutes choses avec douceur : Attingit a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter ( Sap. VIII ,1 ).
Dieu, dans l'Incarnation, a atteint et réuni dans Sa Puissance, Sa Sagesse, Ses richesses, Sa Bonté, Sa Science, Sa Miséricorde, Son Amour infini, les deux fins, les deux extrémités, les deux choses les plus éloignées et les plus opposées en apparence : l'infini avec le fini, la divinité infinie avec l'homme qui est le néant même. II a disposé toutes choses d'une manière suave,miraculeuse, mystérieuse. Tout était déréglé, renversé, perdu; l'Incarnation règle, redresse, rétablit tout merveilleusement : Attingit a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter.
Seigneur, dit l'Ecclésiastique, renouvelez vos miracles et reproduisez Vos merveilles; glorifiez Votre Main et Votre Bras droit : Innova signa, et immuta mirabilia; glorifica manum et brachinm dextram (XXXVI. 6. 7).
Saint Bernard applique ces paroles à l'Incarnation du Verbe : Seigneur Jésus, dit-il, ajoutez encore Vos merveilles, renouvelez Vos prodiges, changez-les; car Vos anciens miracles sont comme oubliés et méprisés par leur nombre et leur continuation. Il est vrai que le lever du soleil et son coucher, que la fécondité de la terre, le changement des saisons, sont des miracles, et de grands miracles; mais nous voyons si souvent ces prodiges, que nous ne les remarquons plus. Renouvelez Vos miracles, changez Vos merveilles; donnez-en d'autres. Voici, dit Dieu, que Je renouvelle tout : Ecce nova facio omnia (Apoc. XXI 5). C'est l'Agneau assis sur un trône qui parle ainsi. O miracles vraiment nouveaux : O nova vere miracula /....Une vierge conçoit sans perdre sa virginité; elle enfante sans douleur. Comme un homme ordinaire ne peut pas avoir une vierge pour mère, ainsi Dieu homme ne peut avoir pour mère qu'une vierge. La malédiction d'Ève est changée pour nous en bénédiction dans une vierge. Dieu a fait en Jésus Christ et en Marie des prodiges inconnus aux siècles; Il a changé l'ordre du monde et de toutes choses. Une femme conçoit un fils homme fait par Sa science, enfant par l'âge, Verbe éternel par Sa Personne, Dieu par nature, né d'une Vierge dans le temps, plein de grâces, qui a le doux nom de Jésus, Sauveur en effet.
Que de miracles et de grands miracles dans ce mystère de l'Incarnation ! Il y en a autant dans les mystères de la Passion, de la Croix, de la Mort, de la Résurrection, de l'Ascension,... Jésus Christ est la réunion, la base, le sommet de toutes les merveilles, et de tous les miracles que Dieu a faits dans tous les temps (Serm. IV in vigil. Nativ- ) .
Dieu, dit Hugues de Saint-Victor, a fait l'homme d'une manière admirable, à Son image et ressemblance; mais Il s'est fait Lui-même, d'une manière plus admirable, à l'image et ressemblance de l'homme. La verge desséchée d'Aaron reverdit, et produisit merveilleusement du fruit; mais la bienheureuse Vierge demeurant vierge, conçoit et enfante un fils plus merveilleusement. Le serpent d'airain guérissait merveilleusement ceux qui étaient mordus; Jésus -Christ a guéri plus merveilleusement tous les croyants, par Son incarnation et Sa croix. Élie ressuscite par miracle le fils d'une veuve (III Reg. XVII); Dieu le Père rappelle Son Fils d'entre les morts, par un plus grand miracle. Samson en mourant abat merveilleusement les Philistins; plus admirablement, Jésus Christ, par Sa mort est vainqueur de la mort et des démons. Jonas sort miraculeusement du ventre de la baleine ; Jésus Christ sort du sein de Marie, et du sein du tombeau plus merveilleusement. Ce fut une merveille que l'ascension d'Élie dans un char de feu ; l'Ascension de Jésus-Christ est plus merveilleuse. Élisée, témoin de l'ascension d'Élie, se plaignait; les apôtres admirèrent l'ascension de leur maître. Élie en montant au ciel laissa tomber son manteau sur Élisée; Jésus-Christ , assis à la droite de Son Père, envoie le Saint-Esprit. Voilà le renouvellement des signes, et le changement des merveilles (In Ecclesiast. ) : Innova signa, et immuta mirabilia …. ; (Eccli XXXVI. 6. 7 ).
Le Seigneur, dit Jérémie, a créé sur la terre un nouveau prodige : La femme environnera l'homme, portera dans son sein un Dieu homme : Creavit Dominus novum super terram : femina circumdabit virum (XXXI, 22).
Ce nouveau prodige, dit saint Bernard, en renferme un grand nombre d'autres qui sont aussi nouveaux et ravissants : Novum hoc multa nova et mira complectitur. Car en Jésus fait homme on voit la longueur raccourcie, la largeur rétrécie, la hauteur abaissée, la profondeur comblée. Là on voit la lumière sans lumière, le Verbe enfant, L'Eau éternelle qui a soif, le Pain des Anges qui a faim. Appliquez-vous, et voyez la puissance gouvernée, la sagesse qu'on instruit, la force qu'on soutient; un Dieu qui suce le lait, et qui nourrit les Anges ; qui pleure, mais qui console les malheureux. Appliquez-vous, et voyez la joie qui s' afflige, la confiance qui tremble, le salut qui souffre, la vie qui meurt, la force qui est faible ; mais considérez, ce qui n'est pas moins admirable, la tristesse qui donne la joie, la crainte qui fortifie, la passion qui sauve, la mort qui rend la vie, l'infirmité qui fortifie [Serm. in vigil. Nativ.).
Le miracle de l'Incarnation accompli en Marie renferme lui-mèmo beaucoup de miracles :
Le premier, une Vierge conçoit, sa virginité restant intègre Le deuxième, l'Esprit-Saint couvre Ja Vierge de son ombre Le troisième, le corps et l'âme de Jésus-Christ (Verbe incarné) s'unissent aussitôt à la divinité par l'union hypostatique
Le quatrième, Dieu se fait homme
Le cinquième, l'homme devient Dieu
Le sixième, l'enfant est rempli de sagesse dès le moment de Sa conception
Le septième, Il est conçu sans péché originel et plein de
grâce
Le huitième, Il est conçu non de l'homme, mais du Saint
Esprit
Le neuvième, la très-sainte Âme de l'Enfant divin, dès
qu'elle est créée, voit l'essence de Dieu et s'offre à Dieu en même temps pour souffrir et mourir pour les hommes. La terre a-t-elle jamais vu d'aussi grands miracles? Autrefois elle vit le soleil s'arrêter à la voix de Josué, et rétrograder sous le roi Ezéchias; dans l'Incarnation elle voit un Dieu qui s'anéantit. Elle vit autrefois le buisson ardent conserver vertes ses feuilles ; elle voit, dans l'Incarnation du Verbe, la virginité conservée dans la mère. Elle vit autrefois la verge d'Aaron fleurir tout à coup dans l'Incarnation, elle voit la tige de Jessé donnant un fruit divin au monde, sans la coopération humaine. Elle vit Ja verge de Moïse se changer en serpent ; ici elle voit un Dieu se transformer en homme pour les pécheurs. La terre vit autrefois la mer Rouge s'ouvrir et se séparer; ici elle voit un Dieu dans le sein formé d'une Vierge. Elle vit la manne descendre du ciel ; ici elle voit le Verbe du Père descendre du ciel dans le sein de la Mère de Dieu, Elle vit Elie monter an ciel; ici elle voit la nature humaine monter jusqu'à la divinité, et s'unir hypostatiquement à la personne du Verbe éternel. C'est donc avec raison que l'Eglise chante en l'honneur .le la Mère de Dieu ce cantique de joie : Tu quae genuisti, nature mirante, tuum sanctum Genitorem : Au grand étonnement de la nature entière, vous avez, ô Marie, conçu et enfanté votre saint Créateur (Alma Redemptoris Mater).
Saint Thomas demande si Dieu peut faire de plus grandes et de meilleures choses que celles qu'Il a faites? Il répond que Dieu le peut. Il excepte cependant trois choses :
1°- l'Incarnation du Verbe,
2°-La maternité divine de Marie,
3° La béatitude du Ciel
Car, dit ce savant et saint docteur, Dieu ne peut faire un homme meilleur qu'un homme-Dieu, ni une mère plus parfaite que la Mère d'un Dieu, ni une béatitude meilleure que la vision et la possession éternelle de Dieu. Car l'humanité de Jésus-Christ , en tant qu'elle est unie à Dieu, et le bonheur des élus, en tant que c'est la jouissance pleine de Dieu, et la bienheureuse Vierge, en tant qu'elle est Mère de Dieu, ont une certaine dignité infinie par le Bien infini qui est Dieu; et sous ce rapport, il ne peut rien exister de meilleur que ces trois choses, comme il ne peut exister rien de meilleur que Dieu (I.p,Q 26 art 6 ad 4)
Voilà des merveilles inconnues aux siècles précédents: l'Incarnation , un Dieu se faisant homme, et une femme devenant la Mère d'un Dieu. C'est le miracle des miracles
L'incarnation est un chef-d'oeuvre de la puissance de Dieu, incomparablement plus grand que la création de l'univers; car il y a infiniment plus de distance entre Dieu et l'homme, qu'entre l'univers et le néant. L'homme même, qui est le chef-d'oeuvre de la création, étant un être borné, limité, la distance entre lui et le néant n'est pas infinie; tandis qu'entre Dieu et l'homme elle est infinie. C'est pourquoi, faire de l'homme un Dieu, c'est infiniment plus que de faire d'un néant un être, un homme, même un ange.
C'est donc avec raison que saint Cyprien s'écrie : 0 Seigneur, que Votre Nom est admirable vous êtes vraiment le Dieu qui fait des merveilles. Non-seulement j'admire la structure de ce monde, la stabilité de la terre, les jours, le soleil, la lune, les étoiles,..., mais j'admire infiniment davantage un Dieu dans le sein d'une vierge; j'admire le Tout-Puissant dans une crèche; j'admire comment la chair s'est unie au Verbe de Dieu, comment un Dieu tout spirituel s'est revêtu de notre corps. C'est ce qui me remplit d'étonnement, et je m'écrie avec le Prophète: J'ai considéré vos oeuvres, et j'ai été frappé d'admiration ( Serm. III de Nativ. Christi).
Écoutez saint Léon : Jésus-Christ entre dans ce monde pauvre, d'une nouvelle manière, par une nouvelle nativité. Par un ordre nouveau, merveilleux, visible au ciel, Il s'est aussi rendu visible sur la terre. L'incompréhensible a voulu être saisi ; étant avant le temps, Il a voulu être dans le temps; le Seigneur infiniment grand a pris la forme d'esclave; le Dieu impassible a daigné se faire homme passible , et l'immortel s'est soumis aux lois de la mort . Chez lui, c'est une nouvelle nativité, conçu d'une vierge, né d'une vierge, sans la participation d'un père charnel, sans nuire à l'intégrité maternelle .
C'est pourquoi saint Jean Damascène appelle la mère de Dieu l'atelier des miracles, l'abîme des miracles : (Serm. 1 de Nativ.). Marie est donc la merveille des siècles, l'étonnement de la nature, le prodige de l'univers. 0 merveille inconnue et nouvelle qui n'avait jamais été vue, jamais entendue, qu'on ne verra jamais . Une femme conçoit un Dieu, enfante un Dieu qui est l'homme, ou plutôt le géant de l'éternité et de l'immensité , qui est partout et dans tous les siècles, qui soutient le ciel et la terre, qui tient tout dans la paume de Sa main; et ce Dieu ne souffre rien de ces profondes humiliations; et une femme n'est pas consumée par les rayons brûlants de cette divine majesté incarnée; et sa virginité est conservée ! Ce prodige est fait par le Seigneu/, il est admirable à nos yeux, dit saint Augustin (Serm. de Nativ.).
Le Fils de Dieu est engendré de toute éternité d'un Père dans le ciel ; il est conçu homme-Dieu d'une mère dans le temps; Il vient de l'immortalité du Père, de l'intégrité de la mère; d'un père sans mère, d'une mère sans père ; d'un père hors du temps, d'une mère seule dans le temps ; d'un père principe de la vie, d'une mère fin de la mort; d'un père réglant le jour, d'une mère qui le consacre en concevant un Dieu !
Comme Ève, première vierge, a été formée d'Adam premier homme vierge; ainsi, en sens différent, Jésus-Christ , second homme vierge, a été formé de Marie seconde vierge. Seigneur, s'écrie le prophète Habacuc, sauvez Votre peuple au milieu de nos années. Au milieu de nos jours, faites éclater Votre œuvre par excellence;
. Cette œuvre par excellence dont parle le prophète, c'est l'incarnation.
La majesté, dit saint Bernard , s'est anéantie pour s'unir à notre limon; elle a mis dans une seule personne Dieu et le limon, la majesté et l'infirmité. la sublimité avec le néant . Et remarquez, ajoute ce saint docteur, comme dans cette divinité unique il y a trinité de personnes et unité de substance; ainsi dans l'incarnation, dans cet admirable mélange, il y a trinité de substances et unité de personne. Car le Verbe, et l'âme, et la chair se sont réunis dans une seule personne; et ces trois choses ne font qu'une personne, qu'une chose; et cette unique chose en fait trois, non par la de la substance, mais par l'unité de la personne (sermo in vig de nativ.)
Ecoutez le prophète Aggée : Voici ce que dit le Seigneur des armées : Encore un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel, et la terre, et la mer, et tout l'univers. J'ébranlerai tous les peuples, et le Désiré de toutes les nations viendra; et Je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur des armées. La gloire de ce second temple sera encore plus grande que celle du premier, dit le Seigneur des armées, et Je donnerai la paix en ce lieu (II ,7-10). Voilà l'incarnation annoncée très-clairement, très solennellement
Seigneur, s'écrie le Prophète royal, éveillez Votre puissance, venez et sauvez-nous : Excita potentiam Tuam, et veni; ut salvos facias nos (LXXIX. 3). Le prophète entend ici la venue du Messie, l'incarnation Et Marie dit elle-même : Dieu a révélé la force de Son bras : Fecit potentiam in Brachio Suo ( Luc. I 51 ).
L'incarnation du Verbe est donc le chef-d'œuvre de Dieu. Dans ce Mystère , Il a épuisé Sa Sagesse, Sa puissance, Ses richesses....